Pour m'éviter les répétitions dans mes mails, voici les liens qui répondent à l'éternelle question du "COMMENT ON FAIT SAGEUUUH-FEMMEUUUH?"

jeudi 7 avril 2016

Le coup de blues des premières salles

Nota bene: Il faut savoir que cet article a été rédigé lors d'un des nombreux coups de déprime que j'ai eu lors de ce dernier stage en salles de naissances. Il reflète le mal-être que j'éprouvais à l'idée de retourner faire mes 2 dernières gardes, ce n'est donc pas la conclusion totale de mon stage dans ce service. Je ne savais pas si j'allais le publier, car je ne suis pas du genre négative, et j'avais peur que cela puisse "déranger". Et puis je me suis dit que je n'accusais personne, et que je me devais d'être moi-même, libre de mes pensées, libre de mes écrits, libre de ne pas avoir toujours le moral au top du top.

"28 mars 2016, lundi de Pâques. Pendant que certains ont encore leurs œufs en chocolat qui perlent sur le coin de la bouche, et se sentent lourds de leur repas de la veille, moi et quelques collègues de Ma2 nous levions à 6h pour partir en garde en salles de naissances.


Les salles de naissance: le stage que l'on voit comme le graal, après l'avoir idéalisé en versant notre petite larme devant chaque premier cri de bébé dans Baby Boom, après l'avoir rêvé pendant des heures sur nos cahiers de PACES...

Je me suis toujours faite une certaine idée de l'accouchement. J'ai toujours voulu faire sage-femme non pas pour les bébés, mais pour voir les femmes devenir mère, pour assister à côté animal où la mère attrape son petit gluant qui pousse son premier cri plein d'eau. J'insiste bien sûr le côté animal, car de part mes lectures, je me suis influencée et prise de passion pour les naissances naturelles, voire les naissances à la maison qui sont un peu polémiques encore en France. Ce genre de photos résument ce que je visualise quand on me dit accouchement, quand on me dit naissance:
(http://www.aufeminin.com/accouchement/39-photos-qui-subliment-le-travail-des-sages-femmes-s1374353.html#d657953-p3)


J'imagine quelque chose d'inné, d'animal, de naturel, avec certes du sang, avec certes des fluides, et de la douleur, mais quelque chose qui a traversé les ages, avec une force que chaque femme peut puiser au fond d'elle, une force que même elles n'auraient pas pu imaginer. J'imagine des accouchements qui peuvent être avec ou sans péridurale, mais avec de la liberté dans le mouvement, avec un corps que l'on laisse tranquille autant que possible, que l'on laisse faire, parce que, dans la majeure partie du temps, il sait faire.


J'ai conscience que je ne suis qu'une Ma2, que je n'ai encore pas d'expérience en matière d'accouchement, et que je dois prendre du recul. Et ce recul a été difficile et douloureux à prendre, car je n'avais pas été confrontée à des images d'accouchement médicalisé, très loin de l'accouchement naturel que j'idéalise et qui m'attire dans le métier de sage-femme. J'écris donc cet article un peu amère, de façon un peu "polémique", mais ce n'est que ma vision des choses.


Je dois apprendre à prendre du recul et constater qu'on a la chance d'être destinées à faire un métier où il y aura des multiples façon d'exercer: dans de grands centres hospitaliers avec de l'urgence, des pathologies, ou alors dans des petites structures voire dans des maisons de naissance.

J'ai juste été plongée dans une facette de l'accouchement que je n'idéalisais pas, dans un univers où je ne me suis pas sentie à ma place, de part mon manque clair d'expérience (nous n'avons fait que très peu d'obstétrique et encore moins de pathologies) et mon manque clair de confiance en moi à cause de ce bébé dans mon ventre, qui fait que je suis une étudiante qui ne peut pas malheureusement pas être vue de façon neutre par tout le monde.


J'ai fait mon stage en salles de naissances au dans un des plus grands centre hospitalier de la région, avec ce qu'il y a de mieux en manière de prise en charge médicale. Du personnel compétent, que ce soit à n'importe quelle catégorie professionnelle. Une prise en compte croissante des besoins et de la douleur du nouveau-né: on évalue la douleur des tout-petits et on cherche le moins possible à les décoller de leur maman lorsqu'ils naissent, à favoriser la peau à peau.
Ce grand centre reçoit donc de nombreuses pathologies, des mamans de toute la région qui ont une grossesse compliquée ou un bébé qui aura besoin d'une prise en charge particulière y sont hospitalisées. On voit donc toutes sortes d'accouchement, du bébé qui a dépassé son terme avec un déclenchement, au bébé qui était trop pressé et qui est né à 26SA. Il y a aussi des choses très difficiles, comme les interruptions médicales de grossesse où un enfant naîtra, mais ne poussera jamais son premier cri.

Il y a 8 salles de naissance, pour 3 sages-femmes et 2 auxiliaires de puériculture. Une porte battante nous sépare du bloc de gynécologie (et de la salle technique où sont pratiqués les accouchements à risque) où de nombreux gynécos et internes sont là toute la journée. Il y a également une grande salle de réanimation pour les nouveaux-nés, où j'ai croisé plusieurs fois les pédiatres et internes en train de faire des premiers soins sur des minuscules petits d'hommes.


On ne peut jamais savoir au matin ce qui va nous attendre, combien de dames vont venir aux urgences, combien de déclenchements seront prévus dans la journée. Il y a des journées calmes,
où seulement 3 salles sont remplies, où 1 sage-femme pourra suivre 1 patiente en globalité, pourra avoir du temps pour elle, pour discuter et prendre le maximum de ses désirs en considération.
Mais j'ai surtout expérimenté des journées tumultueuses, où les 8 salles sont pleines, où on aperçoit sur l'écran dès monitoring qu'aux urgences des patientes sont en train de contracter, et qu'il va falloir vite libérer les salles pour faire naître d'autres bébés.


Je n'ai vu quasi que des accouchements où les patientes arrivaient, étaient allongées dans un lit, un capteur au bout du doigt, 5 autres capteurs sur la poitrine, et un monitoring en continu où elles sont bercées par le bruit du coeur du bébé dont on surveille le tracé en salle, entre 2 examens que l'on pratique une fois par heure. Je n'ai pas pu voir de patiente déambuler, elles étaient seulement dans leur lit, et attendaient, péridurale branchée.
Quand le moment de pousser était venu, pas trop de choix, on défait la table d'accouchement, on met les étriers, on branche la grande lumière, et on la fait pousser seulement en position gynécologique, toujours un œil sur le monitoring. On voit arriver le bébé peu à peu, sous cette grande lumière opératoire, et on le pose sur la maman. Il pousse son premier cri, et c'est beau. Un nouveau petit humain est sur cette Terre.


Je n'ai pas pleuré la première fois. Trop sous le choc de cette image crue, de cette vision du périnée qui se déchire peu à peu, de cette patiente allongée les pattes en l'air qui avait du mal à reprendre son souffle. Une image pourtant classique de l'accouchement, je pense que très peu de femmes s'imaginent autrement qu'allongées les jambes en l'air pour pousser, que très peu de femmes connaissent les possibilités de leur corps, leur capacité à donner la vie autrement qu'alitées.
J'ai même fait un petit malaise, car cette image médicalisée s'est entrechoquée à l'image naturelle et animale que j'avais de la naissance. J'étais émue, émue d'avoir vu naître ce petit, mais bouleversée d'avoir vu sa venue sur cette planète de cette façon.


La première fois que j'ai pleuré, c'est lors de la deuxième naissance que j'ai vue. J'étais du côté de la maman, et j'admirais les gestes de l'étudiante sage-femme en dernière année qui faisait naître cette petite fille, je me disais que dans 4 ans j'aurais des connaissances et de la technique comme elle, mais que pour l'instant, j'étais juste larguée dans ce grand hôpital où j'ai encore tellement à apprendre. La petite est arrivée, et sa maman l'a attrapé, j'ai eu le même angle de vue que cette femme qui est devenue mère, et j'ai versé une larme, j'ai croisé les yeux de l'étudiante entre son masque et sa charlotte, elle était émue aussi. Je vais garder ce regard entre l'étudiante et moi comme premier souvenir d'accouchement, le reste étant complètement flou.


J'ai assisté à d'autres naissances, j'ai même pu suivre un couple adorable toute une journée, tisser un lien avec eux, et tenir la main de la maman qui n'a pas perdu une seconde le sourire alors que depuis 4h le matin elle avait de la fièvre, elle était allongée dans ce lit, on a du faire des analyses pour savoir d'où venait la fièvre, on a du la faire pousser pendant 25 minutes pour finalement intervenir avec la ventouse, on a vu sortir son petit avec un cordon bien serré autour du cou, on a du passer 1h à la recoudre.
Mais elle souriait, son petit était là, il était beau, elle était belle avec son nouveau né qui rampait dans son cou pour téter ses cheveux, son mari était beau à trembler et à être si expressif. J'avais été là avec eux, j'avais eu le privilège d'entrer dans leur intimité et de voir leur fils naître. J'ai réalisé de cette chance que j'avais de pouvoir assister à ça, et de la chance qu'ils avaient d'avoir eu une équipe médicale lors de cet accouchement qui s'est avéré quand même technique, et qui a nécessité l'intervention d'une gynécologue.


Ce stage n'a duré que 6 gardes, qu'1 semaine et demie mais ça a été douloureux pour moi. Je ne pouvais pas ne pas en parler, faire comme si de rien n'était. Je ne remets pas en cause ce service, bien au contraire j'ai pu voir comme tous étaient réactifs et prêts à parer aux urgences.

Je regarde juste douloureusement les femmes en travail alitées, les femmes en travail qui n'ont pas l'occasion de passer beaucoup de temps avec leur sage-femme, les femmes en travail qui ne sont pas pleinement actrices de leur accouchement. Je suis cependant heureuse de voir que pour certaines c'est l'accouchement voulu: le cadre rassurant des professionnels et des bruits sonores des machines. Je suis quand même amère de voir qu'il n'y a que très peu d'alternatives pour
accoucher, sans qu'il y ait de coupable, il y a énormément de patientes à gérer sur les épaules d'une seule sage-femme.


Mais ce n'est pas cet univers qui me transporte, cet univers est trop scopé pour être là naissance animale qui m'attire, pour me faire vivre la facette du métier que j'ai toujours voulu vivre au fond de moi.

J'ai encore 3 années d'études pour découvrir d'autres salles de naissances et pour trouver la distance nécessaire entre les images d'accouchement idéalisées et celles qui se déroulent dans nos salles d'accouchement françaises.


Je retournerai peut être en stage dans ce service, quand je serai plus mûre. Peut être que je vivrai différemment ce stage, quand j'aurai les connaissances théoriques et pratiques que l'école m'auront inculquées avec les semestres qui passeront. Peut être qu'alors ce sentiment amer me sera passé.

6 commentaires:

  1. J'ai vécu la même expérience... Les salles de naissance du CHU de ma ville sont exactement les mêmes. Je n'ai pas vu une seule patiente accoucher autrement qu'en position gynéco... alors que moi j'avais pas du tout ces idéaux là en matière d'accouchement physiologique. J'en ai vu une seule sans péri et toute l'équipe a eu un petit rire dans la salle de soin en apprenant qu'elle comptait accoucher sans !...
    Ah et ça y allait avec le syntocinon aussi... J'ai trouvé qu'il y avait un vrai manque de communication à propos de ce médicament aussi, très peu d'explications sur le pourquoi on en utilisait...
    J'ai pleuré quand même pour le premier enfant né, je pense que l'intensité des efforts de la maman m'a émue.
    Je me suis surtout dit que si un jour je souhaitais enfanter je n'enfanterai pas au CHU... J'imagine que les choses ont du résonner différemment pour toi...
    ... Je te souhaite un accouchement à la hauteur de tes attentes.

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  2. Bonsoir Audrey,
    j'ai découvert ton blog suite au visionnage de ta vidéo sur la PACES et je dois t'avouer que je l'ai dévoré en peu de temps ;-)
    Tout d'abord chapeau pour ta maturité !!! Je me réjouis de voir une future sage-femme comme toi exercer dans notre pays. Et puis félicitations à toi et ton homme pour cette petite choune en préparation <3
    Tes réflexions résonnent beaucoup en moi car je me pose la question d'une reconversion en tant que sage-femme. J'ai déjà trois enfants, tous nés de façon physiologique (les deux premiers à domicile ;-p ) et l'idée d'accompagner des accouchements très médicalisés me questionne...
    Mon dernier accouchement, en particulier, a été une révélation ! J'ai vécu ce que, intuitivement, je pensais pouvoir vivre dès le premier : le méga shoot de toute ma laïfe ^^
    Je n'ai pas eu mal, j'ai ressenti la plus grande intensité de toute ma Vie et je sais aujourd'hui que si les femmes ont mal en accouchant, c'est parce qu'elles ont peur, et qu'elles ne peuvent pas prendre les positions (antalgiques) qu'elles veulent...
    Alors la position en "poulet-de-Bresse" que la majorité des femmes se laissent imposer me fait horreur.
    Je suis autant révoltée par les protocoles hospitaliers que par le manque d'information des femmes (la passivité des femmes oserais-je dire ?).
    Du coup je ne sais pas si j'ai ma place dans cette belle famille dont tu fais partie.

    Je te souhaite tout le meilleur, tu es une belle personne.

    C.

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    1. La naissance résonne en toi comme une évidence, comme quelque chose de beau et d'animal. La naissance, ça te fascine: tu as sans aucun doute ta place parmi les sages-femmes. Certes, ça sera pas l'éclate pour toi les protocoles en tant qu'étudiante... Mais ça, c'est jamais l'éclate, il nous faut plus ou moins de temps pour trouver le lieu/la méthode de pratique qui nous convient le mieux, et toi je pense que c'est comme moi, tu sais que ton délire, c'est les accouchements à domicile. Et bien soit, bravons les protocoles, faisons ces études, apprenons des choses qui nous plaisent moins en gardant au fond de nous ce pour quoi ce métier nous fascine. Et pourquoi pas devenir sages-femmes à domicile... ;)

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    2. La naissance résonne en toi comme une évidence, comme quelque chose de beau et d'animal. La naissance, ça te fascine: tu as sans aucun doute ta place parmi les sages-femmes. Certes, ça sera pas l'éclate pour toi les protocoles en tant qu'étudiante... Mais ça, c'est jamais l'éclate, il nous faut plus ou moins de temps pour trouver le lieu/la méthode de pratique qui nous convient le mieux, et toi je pense que c'est comme moi, tu sais que ton délire, c'est les accouchements à domicile. Et bien soit, bravons les protocoles, faisons ces études, apprenons des choses qui nous plaisent moins en gardant au fond de nous ce pour quoi ce métier nous fascine. Et pourquoi pas devenir sages-femmes à domicile... ;)

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  3. :'( J'ai versé une larme en te lisant. Tout pareil, je dirais, j'aurais tout pu écrire mot pour mot ce que tu as le courage de partager... Et tout pareil, j'avais un bout d'chou dans le ventre lors de mon premier stage qui m'a laissée sous le choc tant je n'imaginais pas qu'on puisse violenter autant les femmes en train d'enfanter. Je pleurais après chaque garde. Et le personnel était en plus particulièrement désagréable avec moi du fait que j'étais enceinte et donc physiquement un peu diminuée.
    J'ai juré que jamais je ne mettrais les pieds là-dedans pour accoucher, plutôt aller seule dans des toilettes publiques! (c'était la colère et le désespoir qui parlaient alors)
    J'ai eu un accouchement tout à fait physio à la maison, malheureusement, entâché par toutes les images que j'avais vues durant mon stage qui ressurgissaient pendant la longue poussée que j'ai vécue. Donc un accouchement pas très joyeux, trop marquée par les souvenirs tout frais de ce que j'avais vu quelques semaines auparavant.
    J'espère que tu sauras faire le vide et nettoyer tout ça pour que la douleur des femmes que tu as croisées ne viennent pas se substituer à ton histoire.
    Pour mon second accouchement, j'ai réussi à faire un beau nettoyage et un bon déconditionnement et il a été absolument parfait !!! Je t'en souhaite un aussi chouette mais je vois que tu as les bonnes lectures pour t'accompagner sur ce chemin !

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    1. Wow !! Quel plaisir de te découvrir, quel plaisir de lire ton blog, avec tes mots qui me font tellement penser à mon vécu de cette année de grossesse qui s'est apparentée à un combat avec celles censées m'enseigner le métier qui n'ont rien trouvé de mieux qu'à me rabaisser ! Dis donc, pour faire le deuz tu étais déterminée, t'as masse de courage tu peux être super fière de toi d'autant plus que ça y est tu es presque au bout du tunnel :-D
      J'aurais adoré faire un AAD, mais aucune SF disponible dans ma région, tant pis, je vais faire le maximum de mon travail à la maison et j'irai à l'usine au dernier moment... J'espère tomber sur une sage-femme sympa qui ne me prendra pas pour une cro-magnon bobo bio quand je lui dirai que j'aimerais énormément accoucher à 4 pattes ou accroupie accrochée quelque part... Bah oui le popotin sur la table et l'intimité sous le scialitique c'est pas mon délire, même si je ne suis qu'une Ma2 qui n'y connait rien et qu'elle a intérêt à suivre les protocoles !! mdr !!
      Je me focalise sur mon corps, je fais confiance à la nature et à mon bébé et j'espère que tout ira bien, je m'en suis convaincue en acceptant au fond de moi l'idée de devoir me médicaliser, pour ne pas le subir comme un échec ! Gros gros travail sur moi mais à l'approche du grand jour, je me sens prête ! :-)

      Ha oui en stage j'ai eu les réflexions et les drôles de regard sur mon ventre. Les jeunes internes de gynéco étaient les plus sympas quand j'y repense, car elles étaient en projet de se lancer dans la maternité malgré l'horreur de l'internat: entre masochistes on se comprend !!

      En tout cas merci d'être venue sur mon blog, et merci pour tes témoignages !! Je te souhaite que ton diplome arrive super vite, ça fera une sage-femme ouverte d'esprit et du côté physio de la force de plus sur terre !!

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