Pour m'éviter les répétitions dans mes mails, voici les liens qui répondent à l'éternelle question du "COMMENT ON FAIT SAGEUUUH-FEMMEUUUH?"

mardi 12 avril 2016

Finir mon stage en salles de naissance sur une note un peu plus gaie

Le dernier article que j'ai publié ici "Le coup de blues des premières salles" a été un texte rédigé en plein dans mon stage, alors qu'il ne me restait que 2 gardes à faire, et que la fin du stage me semblait au bout du monde. J'en étais arrivée à douter de ma motivation, à douter de ma vocation, que je pensais pourtant inébranlable !

Il m'aura fallu comme un signe, un moment indescriptible et hors du temps pour me faire ressentir l'étincelle de ma passion pour le métier qui devait être plus forte au fond de moi que toutes les angoisses liées aux études et/où aux premières expériences décevantes en stage.

Je m'étais levée avec toute la misère du monde sur les épaules, en me faisant la réflexion de la non-motivation qu'ont toutes les personnes qui se lèvent avant 6h "Dans un peu plus de 12h, tu rentres chez toi". Bien sûr, j'avais fait en sorte de ne rien laisser transparaître de ma déprime car étant sous les protocoles de cet hôpital, les professionnels n'y pouvaient rien, et le fait déjà qu'ils m'enseignent beaucoup de choses alors qu'en 2ème année sur un tel lieu de stage nous sommes vides de connaissances (autrement dit de véritables boulets) était suffisant pour que je fasse mon maximum pour être une étudiante souriante (et agréable je l'espère).


Voilà à quoi je ressemblais dans ma blouse verte, tout sourire, avec un petit bébé là dedans qui m'a valu des demandes gênées de la part de mes patientes, genre "Vous attendez un bébé vous aussi ?", avec la tête que l'on fait quand on a peur de faire une gaffe comme demander à une femme si elle est enceinte ou juste grosse !
Je répondais alors que oui, et à toutes les autres questions: "Oui ça va même si c'est fatiguant, mais quand on fait le métier qui nous plaît ça en vaut la peine" "Oui je vais accoucher ici" "Non, voir des accouchements ne m'angoisse pas plus que ça pour le mien, même si entre les ventouses ou les périnées que l'on passe 30 minutes à recoudre j'ai parfois mal d'avance à l'idée que ça m'arrive".

Et j'étais sincère ! Même si j'ai assisté à mes premières naissances et que malgré ma préparation vidéographique et bibliographique j'ai quand même fini par dire que "c'est une vraie boucherie parfois", j'ai toujours relativisé en me disant que chaque naissance est différente. Je fais vachement confiance à mon corps, et je me dis qu'avec une bonne préparation pour le jour J et un vécu de mon travail comme ça me semblera le mieux pour moi et mon bébé, il n'y a pas de raison que mon corps ne sache pas faire et que tout se passe bien !

D'ailleurs, j'adorais utiliser l'argument du "Votre corps sait faire, nous les femmes donnons naissance depuis des millénaires, au fond de vous vous allez trouver la force" avec mes patientes que je tenais dans les bras pendant qu'elles vacillaient de douleur (souvent avant la pose de la péridurale, ou lors d'un accouchement trop rapide pour qu'on la pose). Alors peut-être que je passais pour une prof de yoga perchée qui parle de shakras et d'alignement des lunes pendant que les contractions les labouraient, mais je les ai sentie réceptives, je crois qu'aucune n'a tenté de m'étriper d'ailleurs ! Enfin, quand on leur posait leur bébé sur le ventre, elles oubliaient toute envie de meurtre !

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Tenir les patientes tout contre moi et leur parler dans l'oreille comme vous voyez sur l'image était l'une des rares choses que je pouvais faire à mon niveau, et c'est quelque chose que j'ai adoré ! C'est ce qui se rapproche plus de ma passion, un métier d'entraide, de femme pour les femmes...

Mais revenons à cette avant dernière journée de stage. 
Comme tous les matins, 
- je me suis changée dans les vestiaires tout serrés serrés où il faut faire de la gymnastique pour ne pas que tes fesses touchent celles de la personne qui se change à côté de toi "Oh bonjour madame la sage-femme ! Si votre caractère est aussi doux que vos fesses je veux bien que ce soit vous qui m'encadriez aujourd'hui !!"
- je suis allée posée ma gamelle dans le frigo en pestant contre le mâle qui m'avait piqué ma dernière crêpe lors de sa flemme de cuisiner pour faire sa propre gamelle de stage, le saligaud
- je suis allée dans la salle de transmissions, où comme dans tous les stages je devais trouver la place stratégique pour ne pas gêner la circulation de quelqu'un, en regardant discrètement sur le tableau blanc le nombre de femmes en travail qui illustre si les prochaines minutes vont être plus ou moins sportives
- je suis allée me présenter à une sage-femme en donnant mon rang de promotion, quand je dis "Bonjour, je suis Audrey, étudiante sage-femme de Ma2, est-ce que je peux vous suivre aujourd'hui ? " il faut comprendre "Bonjour, je suis un boulet vivant, qui d'ailleurs va t'annoncer dans les prochaines minutes que c'est un boulet avec un boulet dans le ventre, est-ce que je peux te traîner dans les pattes aujourd'hui mais faire de mon mieux pour t'aider (courir chercher les bassins, ça je sais faire !) ?"

Une fois présentée à cette sage-femme avec qui j'avais particulièrement un bon feeling, on est allées accueillir notre premier couple de la journée (qui allait être finalement le seul que j'allais suivre ce jour là). Un deuxième enfant, un mari blagueur, une femme patiente et souriante, qui allait mettre au monde son premier petit garçon attendu avec impatience par la grande soeur (grande soeur qui attendait juste le cadeau que son petit frère allait lui offrir, en fait)
L'avantage des journées où on ne suit pas 3 mais 1 couple, c'est qu'on a du temps pour eux. Du temps pour discuter avec eux, du temps pour rire aux blagues pourries du mari et pour enchaîner avec ses propres blagues pourries, le but étant de faire rire la mère et faire descendre ce bébé ! Du temps pour apprendre à les connaître, rentrer dans leur bulle, connaître leur monde et créer un lien si particulier dans l'attente de la rencontre avec leur enfant.
J'ai découvert un autre aspect fantastique de ce métier, on découvre des dizaines de cultures, des dizaines de combinaisons possibles de couples, avec chacun leurs histoires, leurs vécus de la parentalité et leurs manière d'appréhender cette journée. On tisse des liens forts avec certains, et on est très heureux de pouvoir les suivre de leur arrivée dans le service jusqu'à leur remontée en chambre en suites de couches.

J'ai donc passé la journée avec eux, à discuter, à imaginer ce petit garçon qu'on allait découvrir. La sage-femme me faisait faire des gestes, m'apprenait à localiser le bébé dans le ventre, chose qui s'avère vachement complexe, où j'ai juste une fois sur deux ! En même temps, sur moi c'est plus facile car vu les coups que je me prends au choix sur l'estomac ou la vessie, j'ai vite fait de localiser mon bébé !

Vers 17h, d'un seul coup tout s'est accéléré, alors que quelques minutes avant on se disait que ce n'était pour tout de suite et qu'avec le manque de chance on allait manquer cet accouchement qui se déroulerait après la relève... La sage-femme m'a fait m'habiller comme elle, en stérile, et comme à chaque fois que je dois mettre des gants stériles je me suis battue pendant encore 2 minutes avec les doigts, en me disant pour la énième fois lors de ce stage "Il faut vraiment que je m'entraîne à mettre ces gants de satan et arrêter d'être un boulet, vu comme la sage-femme et l'AP me fixent je dois vraiment avoir l'air de l'idiote du village".

Quand la femme a commencé à pousser, la sage-femme m'a proposé quelque chose à laquelle je ne m'attendais absolument pas pour ce stage. Je suis passée devant elle, j'ai posé mes mains sur le bébé qui arrivait, elle a posé ses mains sur les miennes et j'ai aidé cette femme à mettre au monde de mes mains ! C'était un sentiment incroyable, incroyable de sentir la douceur de la peau de ce bébé sous mes gants, incroyable de sentir la force de poussée lors de l'expulsion à tel point qu'il faut freiner le bébé, incroyable de dégager les épaules... Ce sentiment m'a pris du fond du ventre, me faisait les jambes en coton, et quand j'ai pu poser le bébé sur le ventre de sa mère, j'ai eu un flot intense d'émotions ! 

J'étais dopée à la passion, dopée à la motivation. Je me suis dit que c'est ce que je voulais faire depuis toujours, que la chance de pouvoir toucher un enfant qui est à mi-chemin entre la vie intra et extra-utérine était précieuse et loin d'être donnée à tout le monde. Je me suis dit que je me battrai, pour jumeler au maximum mes études et ma vie de maman, que j'aurai ce diplôme et que je trouverai un endroit qui me plaira pour exercer. Parce que cette sensation est trop exquise pour que je passe à côté, et que le premier cri d'un enfant sous le regard bienveillant de ses parents n'a pas de prix.

Ce stage s'est achevé le lendemain, ce stage où j'ai eu des tas d'émotions contradictoires. La prochaine fois que je retournerai dans ces lieux, dans ces salles de naissances, ça sera en tant que patiente, et là bizarrement, je n'irai pas à reculons, je n'aurai qu'une seule hâte c'est de rencontrer ma toute petite !

12 commentaires:

  1. Cette façon dont tu raconte tes histoires, c'est juste magnifique ! J'adore tes articles, je me plonge dedans comme si je découvrais à chaque fois un nouveau chapitre de ce merveilleux roman qu'est ton histoire.
    Le moment où tu explique que la sage femme s'est mise derrière toi pour t'aider à sortir le bébé est rempli d'émotions. J'en ai presque versé ma petite larme.
    Je m'imagine déjà dans mes futures études de sage femme. Et quand je n'aurais pas le moral, je relirai tes articles et je suis sure qu'ils me donneront la force de continuer.

    J'ai une petite question, tu dis que tu es en 2e année. Mais je n'ai pas compris tu n'as pas commencé tes études de sage femme en Septembre ? Ou alors PACES compte comme une 1ère année de Ma?


    Signée Claire qui va partir faire ses études de sage femme en Belgique l'année prochaine.

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  2. Bonjour claire ! Je suis contente que tu aies pu être transportée par mon texte :)
    En France sage-femme est un Master: 3 ans de licence (1 année de paces 2 années à l'école) et 2 ans de Master (2 années à l'école encore)
    Je te souhaite de belles études, tu verras en Belgique vous êtes formées sur la physiologie tu auras la chance de beaucoup plus accompagner tes patientes et de faire de beaux accouchements ;)

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  3. Bonjour claire ! Je suis contente que tu aies pu être transportée par mon texte :)
    En France sage-femme est un Master: 3 ans de licence (1 année de paces 2 années à l'école) et 2 ans de Master (2 années à l'école encore)
    Je te souhaite de belles études, tu verras en Belgique vous êtes formées sur la physiologie tu auras la chance de beaucoup plus accompagner tes patientes et de faire de beaux accouchements ;)

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  4. Bonjour!
    Beaucoup de maturité dans tes émotions et ressentis d élève sage femme ...
    Dans aucun doute ,tu seras une professionnelle au top ��
    Une "vieille sage femme "����

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  5. J'ai trouvé très intéressant de lire tes impressions dans ces 2 articles !
    Je suis en dernière année, et c'est marrant, parce que j'ai traversé un peu les mêmes émotions que toi, mais en sens inverse. J'ai choisi de faire sage-femme à l'issue de ma première P1 alors que ce n'était pas du tout une vocation à la base, et en arrivant en salle pour la première fois, je ne savais pas du tout à quoi m'attendre, et je n'avais aucune attente particulière (pas de rêve pour moi, pas de babyboom, pas d'idée de l'accouchement etc!, juste les notions des cours ). Et donc, aucune surprise désagréable pour moi, et au contraire c'est là que je me suis mise à vraiment adorer ce métier!. Mais là , à quelques mois du diplôme j'ai eu au cours d'un de mes stages en salle une impression bizarre et amère, en réalisant que là, quasi toutes les femmes sont en train d'"attendre" leur accouchement dans leur lit sans bouger, et que ce n'est peut être pas tout à fait anodin.. Cependant, je suis sûre que tu feras des stages dans des maternités qui te correspondent plus,et que tu adoreras ! et tu verras, même en type III on peut avoir de très beaux accouchements naturels :)
    Chez nous, le premier stage ne se fait jamais en type III, je trouve ça un peu dur de vous y mettre tout de suite (avec toute la patho, et les sages-femmes qui ont toujours beaucoup de travail, je pense que ce n'est pas évident d'y découvrir notre futur métier).
    Comme toi, je considère aussi que notre métier est un vrai privilège, que nous avons beaucoup de chance de pouvoir partager de tels moments avec les couples, et absolument passionnant !
    Bon courage pour les stages à venir et je te souhaite un troisième trimestre de grossesse tout doux!

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  6. Coucou :)
    Je suis belge et actuellement en première année d'études d'infirmière. Je suis super tentée par la formation de sage-femme mais j'ai déjà 27 ans et des envies de bébé avec mon compagnon qui est médecin, comme le tien ;) Je voulais te demander pourquoi vous n'étiez pas écartées pendant la grossesse? En infi, on est immédiatement écartées des stages et donc on doit prendre une année d études supplémentaires pour faire nos stages.
    Biz et bonne continuation ;)

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    1. Coucou ! Aucun professionnel de santé n'est écarté de l'hôpital en France dès une grossesse parce qu'on est un pays de gros radins et ça coûterait trop cher en arrêts maladies je pense!! Lol
      Après j'ai eu la chance d'être en première année où on passe plus de temps en cours qu'en stage, donc c'était plus compatible avec une grossesse:) J'avoue que je préfère ce système car quitte à perdre une année autant qu'elle se passe avec ma fille plutôt que pendant ma grossesse que j'ai très bien vécue :)

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    2. Coucou ! Aucun professionnel de santé n'est écarté de l'hôpital en France dès une grossesse parce qu'on est un pays de gros radins et ça coûterait trop cher en arrêts maladies je pense!! Lol
      Après j'ai eu la chance d'être en première année où on passe plus de temps en cours qu'en stage, donc c'était plus compatible avec une grossesse:) J'avoue que je préfère ce système car quitte à perdre une année autant qu'elle se passe avec ma fille plutôt que pendant ma grossesse que j'ai très bien vécue :)

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  7. Hello Audrey!
    Je m'appelle Audrey aussi, sage femme depuis bientôt 2 ans maintenant.
    J'ai découvert ton blog par hasard car j en crée un moi aussi.
    Je suis installée en Angleterre pour vivre l'expérience de sage femme ici (l expérience française m a déçue et je cherche à voir quelles sont les pratiques ailleurs.)
    Je m identifie a toi dans tes récits, je me rappelle exactement cette sensation en stage...
    Ou fais tu tes études? As combien de mois de grossesse es tu (ou plutôt semaine d aménorrhée devrais je dire haha restons professionnel :p)
    N hésite pas à me contacter, ou si tu as des doutes ou des moments de découragement pdt tes études, jai vécu ca ;)

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  10. Hello Audrey,
    Je découvre ton blog ce soir et si je reconnais bien sur les photos, je pense qu'on est de la même ville ;) J'ai été diplômée l'an dernier et j'étais enceinte (accouché cet été). Alors juste pour te souhaiter une bonne continuation pour la suite, une belle rencontre avec ta louloute. La mienne approche de ses 11 mois là. Ca passe tellement vite. Plein de bonnes choses et au plaisir de te croiser :)

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