Vous la connaissez cette petite angoisse qui quand tout va bien
s'immisce dans votre tête pour vous rappeler qu'il y a un truc pas réglé ?
L'angoisse de la deadline ?
Genre "Oh que c'est agréable de regarder à la suite 10
épisodes d'une série sur Netflix, en pyjama-cheveux-gras ! Ha mais oui, j'ai
des partiels à réviser moi... Tant pis, l'épisode s'est enclenché, on verra au
prochain". Et là, tu regardes ton épisode, en te sentant observée par ton
tas de cours qui te fait culpabiliser.
Ma deadline à moi, c'était le retour en stage en salles de
naissances. Pour vous dire, j'avais fini mon stage en avril 2016, et je ne
devais y retourner qu'en janvier voire mars 2017... Mais à partir d'avril 2016,
régulièrement, l'idée d'y retourner me faisait flipper grave.
Pourtant, j'y suis retournée, de gré ou de force, Salle 1 pour
mettre au monde ma fille. C'est un assez bel évènement pour se réconcilier avec
ce terrain de stage non ? Mes tongs de femme en travail à terme qui se dandine
entre les contractions ont foulé le même sol que mes crocs qui puent de
stagiaire, sans pour autant en effacer les mauvais souvenirs.
J'ai su à la rentrée que j'y retournerai en janvier, et qu'en
attendant, je n'aurais qu'à aller en période de cours. Quand les copines étaient
en stage, je pouvais donc rester à la maison, en mode congé-maternité (sauf que
quand ta gosse dort ni nuit ni jour, tes copines qui font des gardes de 12h en
jour puis nuit sont au final plus reposées que toi, et quand on te dit
"t'as de la chance de pouvoir rester à la maison" t'as envie de leur
coller ton enfant de satan dans les bras).
Ainsi comme une andouille, au lieu de profiter de ces moments à
la maison avec ma fille, j'étais prostrée avec mes yeux de panda sur mon
calendrier qui me rappelait l'échéance du stage en salles de naissances. Ce
calendrier où au lieu de voir tous les moments où je n'aurais pas de stage, je
voyais seulement les 12 gardes qui s'annonçaient, dont la dernière serait 3
jours avant les partiels (oui, parce qu'on m'a collé mon stage au MEILLEUR
moment de l'année, quand il fait froid, que la joie de Noël retombe genre les
décors de Noël te rendent triste, et qu'il va falloir RÉVISER).
Et au 1er janvier, quand je me suis réveillée de mon réveillon
de dingue (en vrai, je me suis couchée à 00H10 parce que j'en connaissais une
qui allait pas attendre son biberon au delà de 7h), j'étais dans un autre état
d'esprit. Le même état d'esprit que j'avais le matin même des épreuves
importantes de ma vie: pour le bac, pour la paces (pas pour le permis, le
permis je me faisais littéralement caca dessus, en même temps il m'a fallu 3
fois pour l'avoir), pour quand j'ai appris ma grossesse.
L'état d'esprit du:
FOUTU POUR FOUTU.
Toute façon, ma chère Audrey, t'as pas d'autre choix que de retourner
là bas, parce qu'il faut que tu le valides ton stage. Tu vas pas rester en
deuxième année toute ta vie. Et puis t'es moman maintenant, alors t'arrêtes de
te plaindre, tu te remets en question, tu te sors les doigts du fondement et tu
vas en stage (après avoir lavé les doigts que tu viens de te sortir du
fondement par contre, merci).
Je crois que j'ai pris ma garde à 7H le 4 janvier. Franchement,
j'étais pas déprimée, j'étais juste en mode
le-stress-du-premier-jour-de-stage-putain-j'ai-oublié-le-code-du-vestiaire-j'espère-que-ça-va-pas-être-une-garde-trop-chargée-où-je-vais-gêner-la-sage-femme.
D'ailleurs, j'espérais tomber sur une sage-femme sympa.
Coup de bol, je suis pas tombée sur une sage-femme sympa, mais
sur une sage-femme incroyablement adorable qui m'a mise à l'aise, qui en ce
premier jour ne m'a pas mis de pression, m'a laissé le temps de redécouvrir le
service. Il s'avère que cette sage-femme était celle qui avait fait ma sortie à
la maternité après mon accouchement, mais je l'ai pas clamé sur tous les toits
en mode "BAH LA DAME QUI M'ENCADRE ELLE A VU LE DEDANS DE MA
CULOTTEUH" (je sais que je ne fais jamais ni dans la pudeur ni dans la
délicatesse, mais tout de même un peu de retenue jeune stagiaire).
Au final, elle m'a reconnue plus tard dans la journée. Et ça
s'est su doucement parmi les sages-femmes qui étaient en garde que "Oh la
petite étudiante c'est une jeune maman !".
Je ne savais pas comment j'allais me positionner par rapport à
ce sujet avant d'aller en stage, parce que pour rappel, quand j'étais enceinte
sur ce même terrain de stage je m'étais pris des réflexions du type
"autant-arrêter-tes-études-tout-de-suite-la-pilule-ça-existe-tu-sais".
Oui oui, si j'avais pas envie d'y retourner c'était pas par flemme (même si quand
tu fais sage-femme, c'est pas que t'es flemmarde parce que se lever à 6h pour
12h debout à courir dans un service c'est musclé).
Et c'est venu naturellement. Elles ont su que j'étais maman,
sans que j'ai à le préciser à chaque fois. Sans réflexion, avec des encouragements.
Doucement, au fil des jours, j'ai pris confiance en moi. Et je
pense que j'ai pris de la maturité (même si je vous l'accorde mon humour beauf
frôle toujours le 4 ans d'âge mental).
J'ai appris des choses évidentes mais qui sur le coup de stress
du matin peuvent parfois passer à la trappe, comme par exemple se présenter en
début de garde à toutes les sages-femmes, mais également les auxiliaires de
puériculture... Elles en voient défiler des étudiantes, elles en voient défiler
du boulet et rien que de leur dire bonjour ça nous déboulétise. Au lieu de
paniquer en situation plus urgente, comme par exemple quand il faut la
ventouse, j'ai très vite demandé à apprendre à la servir, tout comme apprendre
à servir le matériel pour la suture, pour la césarienne.
J'ai appris des tas de choses, la base du métier en salles,
chose que je n'avais pas pu bien faire lors de mon précédent stage, parce que
1) C'était
un stage d'observation (vous savez, le stage où tu dois observer dans la pièce
mais que tu te mets toujours au mauvais endroit dans la pièce)
2) Je
n'avais absolument aucune notion d'obstétrique à ce moment là, l'allaitement on
était calées, mais parler de crevasses à une femme qui va accoucher ça lui sape
juste le moral d'avance
3) Quand
tu es enceinte de 28 semaines, ton bébé commence à peser sur les ligaments et
tu as vraiment une endurance moindre
4) Et
surtout: j'étais centrée sur moi. Enceinte, j'avais pas cette capacité à faire
la part des choses entre ce que j'étais en train de vivre, entre ma vie
personnelle, et ma vie professionnelle. Je pense que pour être une bonne
sage-femme, je dois être disponible pour mes patientes, pas que physiquement,
mais aussi mentalement. Et ça, c'est impossible si en arrière pensée j'ai
toujours des choses personnelles.
Bien sur, je ne suis pas une déesse de la sage-femmerie, j'ai
quand même su être un gros boulet:
=> TOP 3 DES BOULETTERIES DU RETOUR EN STAGE <=
3. J'avais pas fait de prise de sang depuis plus d'un an. J'ai
du en faire une, dans la pénombre absolue. J'ai fait un bleu ENORME à une
patiente. Heureusement, son bébé venait
de naître, sinon elle m'aurait baffé (et je l'aurais bien mérité) ("non
mais oh t'es élève sage-femme ou élève bouchère ?")
2. J'étais juste INCAPABLE de mettre la casaque stérile (vous savez, la magnifique cape bleue qu'on met au moment de l'accouchement pour éviter les projectiles de type bébé-liquide amniotique-placenta-toute autre fluide ragoûtant). J'essayais de faire bonne figure, mais j'étais comme une poule avec un couteau, en plus, première garde, première heure de stage, j'étais dans l'optique du "FAUT MONTRER QUE JE SUIS PAS NULLE". Raté, c'est l'auxiliaire puéricultrice qui est venue à ma rescousse, me couronnant d'un "Je vois bien que t'as les deux pieds dans le même sabot".
Du même genre, en 12 gardes j'ai pas été foutue de mettre mes gants stériles vite et du premier coup, je pense qu'il y a une loi qui fait que ton temps pour mettre tes gants est inversement proportionnel au temps que tu as devant toi pour gérer l'urgence.
1. Celle-là, c'est sans doute la honte de ma vie d'étudiante. Si c'était compréhensible pour le grand public (en gros si ça ne faisait pas rire que les gens qui bossent dans la santé), je pourrais m'en servir d'anecdote de la honte si je passais dans un jeu télé.
2. J'étais juste INCAPABLE de mettre la casaque stérile (vous savez, la magnifique cape bleue qu'on met au moment de l'accouchement pour éviter les projectiles de type bébé-liquide amniotique-placenta-toute autre fluide ragoûtant). J'essayais de faire bonne figure, mais j'étais comme une poule avec un couteau, en plus, première garde, première heure de stage, j'étais dans l'optique du "FAUT MONTRER QUE JE SUIS PAS NULLE". Raté, c'est l'auxiliaire puéricultrice qui est venue à ma rescousse, me couronnant d'un "Je vois bien que t'as les deux pieds dans le même sabot".
Du même genre, en 12 gardes j'ai pas été foutue de mettre mes gants stériles vite et du premier coup, je pense qu'il y a une loi qui fait que ton temps pour mettre tes gants est inversement proportionnel au temps que tu as devant toi pour gérer l'urgence.
1. Celle-là, c'est sans doute la honte de ma vie d'étudiante. Si c'était compréhensible pour le grand public (en gros si ça ne faisait pas rire que les gens qui bossent dans la santé), je pourrais m'en servir d'anecdote de la honte si je passais dans un jeu télé.
À cette garde, quand je suis arrivée à 7h, il y avait une
étudiante infirmière qui venait en observation, qui n'avait jamais vu
d'accouchement, j'avais brièvement discuté avec elle pour la mettre à l'aise.
Un accouchement est arrivé juste après, encore une ventouse, pas mal de monde
dans la salle, j'aide comme je peux, la pression remonte et je vois cette
étudiante infirmière qui masse l'utérus de la dame (ça paraît bizarre dit comme
ça, mais non on masse juste le ventre, enfin masser c'est un grand mot, on
appuie très fort sur le ventre pour que l'utérus parfois capricieux arrête de
saigner).
Elle avait un geste assuré, et super efficace, donc toute
enthousiaste je lui dis "DIS DONC TU MASSES VACHEMENT BIEN ! C'est ton
premier ?".
Elle lève la tête et moi je me décompose. Tu m'étonnes qu'elle
massait vachement bien.
C'EST PARCE QUE C'ÉTAIT PAS L'ÉTUDIANTE INFIRMIÈRE MAIS
LA MÉDECIN CHEF DE CLINIQUE. Que j'ai tutoyé. Et heureusement, elle a rigolé,
parce que sinon, j'aurais été prendre des forceps pour creuser un trou et
m'enterrer sous ma honte.
..> FIN DU TOP 3 <..
Donc en gros, devenir maman ne m'a pas empêché de faire des
boulettes.
Devenir maman ça m'a permis de me sentir moins gauche dans les
salles de naissances, moins impuissante face à la douleur de mes patientes, ça
m'a permis de savoir un peu plus quand parler et quand toucher la patiente (en
gros, pendant une contraction: ON SE LA FERME). Ca m'a permis de rire avec
elles du shoot qu'est la péridurale, de comprendre certaines de leur réaction.
Ca m'a valu de l'émotion quand je suis retournée dans la salle qui a vu naitre
ma fille. Ca m'a fait me sentir plus inclue dans l'équipe.
Ca m'a donné certainement assez confiance en moi et assez de
maturité pour savoir me remettre en question, de me dire que c'est LA journée
où la patiente est vachement plus importante que mes ressentis intérieurs (même
si vous inquiétez pas, à 16H30 sans avoir mangé depuis 6h du mat mon estomac
est là pour me rappeler mon ressenti intérieur).
Mais ça, je pense que c'est un phénomène par lequel toute
étudiante sage-femme passe pendant sa formation, il y a un moment où on murit,
où au lieu d'accepter d'être le boulet du coin de la salle on se bouge et on
fait tout pour valider comme il se doit son stage. Après, si je n'avais pas eu
ma fille, j'ignore si j'aurais ressenti ce changement si tôt.
Salut Audrey! Je viens de découvrir ton blog et j'adore ton humour! Je voulais juste te dire chapeau bas, car étant maman moi-meme, je ne crois pas que j'aurais pu gérer des études, et surtout pas sage-femme, étant enceinte! Bravo et félicitations pour ta fille! Je te souhaite tout le meilleur pour la suite! :)
RépondreSupprimerMerci beaucoup à toi !! Bonne continuation :)
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