Pour m'éviter les répétitions dans mes mails, voici les liens qui répondent à l'éternelle question du "COMMENT ON FAIT SAGEUUUH-FEMMEUUUH?"

dimanche 29 novembre 2015

Conclusion d'un premier stage

Je suis retournée en cours depuis 1 semaine: j'ai redécouvert le luxe d'être une simple étudiante de ma2, où tu n'as pas besoin de te lever à 6h00, d'aller te changer dans le froid et de rentrer à 19h30 en pestant parce que tu recommences le lendemain matin.


On ne va pas se voiler la face ni les fesses: tout être humain normalement constitué, il pourra aimer son métier autant qu'il le veut, il fera tout le temps la gueule quand il entendra son réveil à 6h00 et qu'il devra aller au boulot dans le froid. Et tout stagiaire normalement constitué aura doublement du mal à se lever, car il ne saura pas avec qui il sera dans la journée, et il risque de passer sa journée en mode boulet où il devra redoubler d'efforts pour montrer qu'il est capable. 

Les 2 dernières semaines de mon stage ont été un peu plus délicates. 
J'avais commencé à être laissée en autonomie, comme une grande, à me sentir vraiment à l'aise, et à presque oublier le fait que se lever à 6h00 est vachement désagréable. 
Mais mon planning a fait que pour les dernières gardes, je changeais tous les jours d'infirmière référente, et que mes journées étaient toutes les mêmes:
- trouver une référente 
- lui montrer que j'existe 
- m'adapter à sa façon de travailler ne pas être un boulet qui se retrouve tout le temps dans ses jambes, mais à chaque fois je me place tout le temps au mauvais endroit 
-  passer la journée à essayer qu'elle me fasse confiance pour me faire faire des gestes infirmiers
- finalement être larguée plus ou moins subtilement et envoyée faire des toilettes 
- rentrer le soir avec rien de validé 
- avoir les boules et m'enfiler un paquet de chips en rentrant, pendant que le mâle me dit "mais non ma chérie tu n'es pas nulle !" 

Attention, je ne crache pas du tout sur les actes de nursing. Parce que non, ce n'est pas réservé aux aides soignantes; toute ma vie quand j'aurai l'occasion d'aider mes collègues à faire des lits, des toilettes, je le ferai parce que dans un hôpital on a tous besoin les uns des autres. 
Mais ce stage là était un stage de soins infirmiers: autant je ne rechignais jamais à faire du nursing quand à côté on m'apprenait d'autres actes: injections, prises de sang... de quoi progresser et me perfectionner pour les actes qui servent de référence à l'évaluation clinique

Quand je voyais la fin de mon stage approcher, et que j'entendais mes collègues fièrement progresser et faire plein d'actes, j'ai eu une grosse montée de stress, et une grosse perte de confiance en moi
La veille de mon dernier jour, je n'ai presque pas dormi, j'appréhendais de voir injustement pleins de catégories de mon stage non validées alors que je n'avais pas eu la chance de tomber tous les jours avec la même infirmière et d'être complètement à l'aise. 

Mais miraculeusement (enfin, dans la suite logique des choses d'après le mâle qui a eu la patience de me rassurer tous les jours sans exception), elles m'ont validé mon stage en me disant que j'avais acquis quelque chose de bien plus essentiel que de savoir faire parfaitement une prise de sang: le relationnel avec l'équipe/avec ceux que je soigne et le respect des patients


"Très bon stage s'est bien investie tout au long de celui-ci

A de très bonnes qualités relationnelles et humaines.

Très bon esprit d'équipe"

Je retourne en stage en février, en suites de naissance, de quoi pouponner en perspective. Mes collègues m'ont assurée que là bas, j'aurai à nouveau l'occasion de pratiquer des gestes infirmiers, et de, telle une bouchère, faire des prises de sang si ça me tient tant à coeur !

Ancrer nos convictions féministes dès le début de notre formation

Elle s'appelle Matilde; non, son prénom n'est pas écorché, elle vient seulement d'Italie. Elle a débarqué en France à 18 ans pour devenir sage-femme, et s'est battue 2 ans pour au final réussir à intégrer notre promo. 

Elle a tout de suite posé la couleur: elle vient de bologne, là où on fait la bolognaise (elle est d'ailleurs prête à assassiner quiconque essaiera de lui faire manger des pâtes avec de la bolo industrielle Panzani), et elle a tendance à être complètement tarée, mais c'est bien les gens tarés, au moins c'est honnête et pas très compliqué. 

Pourquoi n'a t-elle pas fait sage-femme en Italie, pourquoi est-elle venue se casser le cul compliquer la tâche en passant par cet infâme concours ? Parce qu'au delà de l'appréhension du concours, elle avait une conviction qui valait tous les sacrifices du monde: Matilde est profondément féministe.

En Italie, les sages-femmes sont vraiment peu reconnues (encore moins qu'en France, c'est vous le dire), et c'est l'un des pays d'Europe où l'on déplore énormément de violences obstétricales, et d'objections au droit à l'avortement.
Elle aime ce métier plus que tout, et a envie de changer les choses, passer le concours dans un pays où le métier était du niveau Master avec une plus grande autonomie était donc un choix qui valait le coup. 

Elle dit haut et fort ce qu'elle pense, Matilde. Elle hésite pas à dénoncer l'injustice, le slut-shaming, la manipulation pro-vie: tous les sujets qui me font hurler à l'injustice et à la régression. Quand je suis à côté d'elle en classe et que le prof dit des conneries plus grosses que lui, je sais que je ne serai pas la seule à me lever de ma chaise. Quand je me bats pour faire reconnaître les compétences du métier de sage-femme, je sais qu'elle sera derrière pour prendre le relais. 

Matilde est allée en stage en suites de naissance: là où les mamans, encore fatiguées par leur accouchement, sont hospitalisées quelques jours pour vérifier que tout va bien. Elles sont inspectées, stressées, et leur bébé est pesé, touché, mesuré de tous les côtés. 
Malgré les beaux moments qu'elles sont censées vivre en profitant de leur tout nouveau-né, on ne peut malheureusement pas nier le stress que la médicalisation engendre, et surtout, le comportement des soignants qui est banalisé après des années d'expérience. 

Lors de notre retour de stage, où nous devions faire part de nos ressentis, elle s'est levée d'un seul coup, et nous a lu un texte qu'elle avait écrit. 

"Parce-que la notion de respect de l’intimité au sein du CHU me parait difficile à cerner, et parce-que j’ai observé au sein du service en suites de couche certains comportements qui m’ont indignée, voici les pensées que je tiens à vous transmettre.
Conformément à la Charte du Patient hospitalisé, tout soignant se doit d’assurer la qualité de l’accueil, des traitements et des soins. « Il met tout en œuvre pour assurer à chacun une vie digne ». Je tiens à souligner aussi que : « La personne hospitalisée est traitée avec égards. Ses croyances sont respectées. Son intimité est préservée ainsi que sa tranquillité. »
En tant que soignantes, nous devons ce respect à nos patientes. De part parce-que, meme si pour un court delai, leur chambre d’hopital devient leur domicile, et que donc à chaque fois qu’on entre dans cette pièce on s’introduit un peu chez elles. D’autre part aussi parce-que pendant ce sejour elles vont nous confier des choses qui les concernent et qu’elles ne disent ni ne montrent peut etre pas à tout le monde. Ces femmes s’ouvrent à nous et ceci ne nous doit pas paraitre à nos yeux comme quelque chose de normal, qui nous est du afin d’assurer un bon suivi des soins, mais comme quelque chose qui nous est permis, autorisé
Ce respect qu’on leur doit va du fait d’écouter quand on frappe à leur porte si nous pouvons entrer ou pas, au fait de demander si on peut effectuer leur examen clinique et bien d’autres choses encore. Ceci quel que soit leur niveau de pudeur et d’intimité.
Pour parvenir à respecter cette intimité et gagner la confiance de mes patientes, je me suis souvent posée la question : « Est-ce que j’aimerais si… ? ».
Est-ce que j’aimerais qu’on entre continuellement dans ma chambre et parfois meme sans que j’ai donné mon autorisation ?
Est-ce que j’aimerais qu’on exprime mon sein sans qu’on me le demande ?
Est-ce que j’aimerais si, pendant que j’allaite, une ASH passe le balai et laisse ma porte et ma fenetre ouvertes ?
Est-ce que la barrière de la langue et de la maladie justifie un suivi moins agréable et qu’on s’entretienne moins longtemps avec moi qu’avec les autres patientes ?
Est-ce que j’aimerais qu’on parle dans mon dos dans le couloir avec la porte de ma chambre entrouverte ?
Ou, au contraire :
Est-ce que j’aimerais qu’on fasse des remarques positives sur mon corps et sur ma santé ?
Est-ce que j’aimerais qu’on me demande l’autorisation avant d’accéder à mon corps ?

Réflechissez-y , et je pense que vous aurez la réponse lorsque vous vous demanderez : « Et la patiente dans tout ce vacarme ? Que ressent-elle ? »."

Je n'ai pas pu m'empêcher de sourire, tous comme nos professeurs, sages-femmes de profession, qui ont pour objectif de faire de nous des soignantes bienveillantes et qui savent se remettre en question. Ce texte sera imprimé, et donné à toutes les étudiantes de l'école, pour nous faire réfléchir, pour faire de la future génération de sages-femmes des professionnelles (voire professionnels, mais nous n'avons que des femmes dans les promos pour cette année) à l'écoute de leurs patientes et dans le respect de la naissance.


mardi 10 novembre 2015

La continuité de mon premierr stage en gynécologie

J'ai kiffé ma race ces 2 dernières semaines en stage. Au fur et à mesure, on m'a laissé de plus en plus de choses à faire.

Je pense qu'en tant que stagiaire, première année qui plus est, nous avons un rôle de plante verte. Je me suis dit quitte à être une plante verte
1) Essayer de survivre pas comme mes plantes vertes à moi qui meurent toutes
2) Autant être utile en stage et aider autant qu'on peut aider
3) Être une plante verte qui considère que tout le monde a des choses à nous apprendre

J'ai donc fait masse de toilettes (pas les meubles, sur les humains), fait masse de lits (cette fois-ci les meubles), mais peu à peu je me suis incrustée approchée des infirmières pour qu'elles m’apprennent les soins infirmiers (en même temps, elles allaient pas m'apprendre la plomberie)

J'avais déjà fait fièrement des petites piqûres dans les cuissots des pauvres patientes et une prise de sang qui m'avait mise toute en émotion.
Mais j'ai appris à préparer mes injections, à préparer mes perfusions (en évitant de laisser des bulles, parce que c'est connu que les bulles d'air dans les vaisseaux c'est pas le top pour garder un patient en vie), à faire des pansements...

Au tout début de mon stage, quand je voyais les étudiantes infirmières déjà là depuis quelques jours je me sentais naze au possible. Je ne comprenais rien à l'armoire de médicaments, rien aux noms de médicaments et je tremblais tellement à la moindre préparation de médoc que j'ai failli me couper avec une ampoule. Je me dois d'être honnête: je n'ai pas failli, je me SUIS coupée avec une ampoule !

Et en quelques temps, avec des infirmières et autres élèves qui ont su me booster j'ai été lâchée dans la jungle, en autonomie.
Je prépare mon petit chariot de soins, et je fais le tour des patientes avec les soins qui sont programmés. Comme une grande ! Et même que je n'ai tué personne et que je n'ai pas encore lancé d'épidémie nosocomiale. A vrai dire je me lave tellement les mains à la solution hydro alcoolique que je ne comprends pas comment elles ont fait pour ne pas être à vif et ressembler à 2 gros steaks saignants !

J'ai aussi découvert les gardes de nuit. Dans mon service, c'est de 19h à 7h du matin. Je vous fais un bref résumé
- tu arrives à 18h30 toute fraîche dans le vestiaire, tu mets ta tenue et tu maudis discrètement tes collègues qui viennent de finir leur journée et qui vont rentrer tranquilou au chaud chez elles
- tu arrives dans ton service, transmissions et tu te retrouves seule avec 1 infirmière et 1 aide soignante pour TOUUUUUT le service (mais j'ai encore eu la chance de tomber avec des filles super sympathiques)
- entre les soins, pansements, injections et autres joyeusetés tu manges ton repas du soir à 00h. C'est trop cool, t'as l'impression de réveillonner. Sans les huîtres. Avec de la purée et du jambon. Bon les chocolats rattrapent le lot.
- tu prépares les soins pour la nuit à venir, toutes les 2h tu réveilles sadiquement les patientes (en fait c'est pas pour le fin mais pour surveiller leurs constantes post opératoires)
- et tu te retrouves à 4h du matin à ne savoir que faire, tu as fait tout ce que tu avais à faire, et ton prochain tour est à 6h
- tu te traînes jusqu'à la fin de ta garde avec une coupe de cheveux à en faire pâlir Cristina Cordula (Oh la la ça va pas du tout ma chewiiie)
- tu rentres chez toi ET TU TE JETTES DANS TON LIT. Puis tu te souviens que tu y retournes ce soir, parce que tu enchaînes 2 gardes de nuit.

Il y a quelque chose qui m'a particulièrement touché en stage. Un événement assez fâcheux, pour la première fois j'étais témoin d'une situation assez taboue, la violence médicale. Un médecin a été horrible avec une patiente.
Je n'avais jamais vu quelqu'un souffrir comme ça, jamais vu quelqu'un s'acharner sur une autre personne faible comme ça, sous couvert d'une blouse blanche et du "Je sais ce qui est le mieux pour vous madame. Je veux pas vous entendre chialer si vous avez mal".
Il est parti en claquant la porte. Je me suis retrouvée seule, chamboulée et écoeurée par la scène à laquelle je venais d'assister. J'ai fait alors tout ce qui était en mon possible pour calmer cette patiente qui avait une énorme tolérance à la douleur, mais qui venait de craquer dans une énorme crise d'angoisse.
J'ai fait alors ce pour quoi j'ai choisi ce métier: pour être dans une relation de confiance mutuelle, pour calmer cette patiente en respirant avec elle, en la touchant doucement, sans quitter ses yeux. J'ai passé de longues minutes à tout faire pour absorber sa douleur, pour qu'elle retrouve une respiration calme et puisse apaiser sa douleur.
Quand elle s'est calmée, je suis sortie de la chambre et je me suis effondrée. J'avais essayé de prendre toute sa douleur, et j'avais trouvé la scène ignoble et injuste. J'étais en colère et j'étais dégoûtée.
Quelques jours plus tard j'ai eu le bonheur de revoir cette patiente sourire, rire puis remarcher. Méconnaissable. J'ai continué à tisser des liens avec elle lors de mes soins quotidiens.
Et un jour, comme si de rien n'était, elle a reparlé de la scène. "Je n'ai pas oublié ce que vous avez fait pour moi ce jour là". Et j'ai eu ce cadeau, accompagnée d'un magnifique message

"Il est un fait indubitable, Vous m'avez extrêmement touchée par votre geste délicat. Ne trouvant pas les mots pour vous exprimer toute ma reconnaissance pour la générosité, la gentillesse et l'écoute que vous avez manifestées à mon endroit; 
nos moments passés ensemble resteront gravés dans ma mémoire"

J'ai versé ma larme (pour changer). Cette petite attention, couplée à ces "tu es faite pour ça" qu'on m'a répété plusieurs fois en stage m'ont confortée dans l'idée que j'avais trouvé ma voie.
Pas dans le sens où je fais ça pour avoir des honneurs. Dans le sens où les gens comprennent mon intention, mon envie de les rendre bien, de vivre de vivre au mieux leur hospitalisation (et pour les futures et jeunes mamans leur maternité).

Je rentre chez moi tous les soirs avec le sourire et je raconte mes histoires fièrement à mon chéri, qui trouve ça attendrissant ma fierté de faire une petite piqûre alors qu'il recoud des gens OKLM en garde.
Mais bon, il a intérêt d'être fier de moi et de le témoigner. Parce que j'ai tout le nécessaire pour faire des prises de sang chez moi, et s'il se moque de moi, un hématome est très vite arrivé... Mouhahahahahahahhaha (J'espère que vous aurez compris que c'est du 39387373e degré)