Pour m'éviter les répétitions dans mes mails, voici les liens qui répondent à l'éternelle question du "COMMENT ON FAIT SAGEUUUH-FEMMEUUUH?"

dimanche 12 juin 2016

Conclusion de la Ma2

Le congé maternité, ce privilège, cette chance, ces "6 semaines avant - 10 semaines après" que j'ai tant attendues ! L'occasion pour moi de profiter de ces dernières semaines de grossesse et des premiers instants avec ma fille avant de retourner dans ma peau d'étudiante sage-femme à la rentrée. Il est temps par contre de faire un bilan de ce côté étudiante avant de me remettre à mon rôle de future môman pleine d'hormones qui a le sourire jusqu'aux oreilles à l'idée que sa fille naisse dans les 5 prochaines semaines !

Je suis donc arrivée à la fin de ma première année d'école de sages-femmes. Une première année qui ne s'est pas déroulée comme je pouvais la rêver lors de ma PACES, entre 2 instants de désespoir sur mes QCM de biochimie.

Je m'attendais à une plénitude, une fierté lors de mon essayage de blouses, à des cours à grands renforts de maquettes de bassins féminins, une ambiance baby-boom qui entraîne un plaisir infini d'aller en stage et à aller en cours en chantant des chansons Disney.
Je me suis retrouvée avec quand même cette plénitude, une blouse qui moule tellement les cuisses que tu peux pas te pencher tellement t'as peur qu'elle craque et que tout l'hôpital voit ta culotte, à des cours communs aux étudiants en médecine où on te fait un catalogue sur les maladies hématologiques, parfois la boule au ventre (si ce n'est un gros chagrin) avant d'aller en stage et comme tous les êtres humains sur cette planète j'allais en cours finalement en traînant des pieds.

J'exagère le tableau. Bien sûr que j'ai aimé cette année, bien sûr que j'ai adoré rentrer à l'école de sages-femmes. J'ai vécu des moments d'excitation avant de vivre les moments que j'attendais en P1 (l'essayage de blouse, marcher dans la maternité...), des moments de grâce (quand j'ai pu etre subjuguée par la perfection des petits nouveaux nés, même s'ils sont laids comme des poux la nature est tellement bien faite qu'on ne s'en rend pas compte et qu'on s'extasie quand même), des moments de doutes, mais surtout des moments où je me suis sentie à ma place, des moments où je me suis vue boire chaque parole de mes professeures en hochant la tête tellement j'étais heureuse d'entendre à l'oral mes convictions.

Dans les articles précédents, je raconte mon année scolaire entre septembre et début avril (cours, et stages).
Je savais que cette fin d'année allait passer super vite, d'autant plus qu'il n'y allait avoir qu'un mois et demi entre la fin des vacances d'avril et les partiels du 8 juin.

D'ailleurs, en 1 mois et demi de cours on a eu l'occasion de voir des trucs super chouettes.

On a pu approfondir une de nos matières "coeur de métier" (en gros une matière que si tu la rates tu es dans le caca jusqu'au cou), c'est à dire l'obstétrique.
À vrai dire, on a été larguées en salles de naissance avec un polycopié qui expliquait vite fait le trajet que je n'imaginais pas si compliqué des petits humains dans le bassin de leur mère et un cours sur la délivrance où l'on imagine le placenta comme un gros steak capable de te tuer d'une hémorragie foudroyante. Donc je n'étais pas contre en savoir plus sur tout ce qui concerne l'univers dans lequel je vais passer ma vie: le bassin et l'utérus gravide.

On a eu un cours complet sur les modifications physiologiques et petits maux de la grossesse. J'ai eu l'impression de dégouter ma promo et de ne plus etre vue comme la princesse ô glamour que je suis mais comme un espèce de femme des cavernes


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Je cite, "quand on est enceintes, on transpire plus, on a plus d'acné, plus de poils, on est constipés, on a mal au bassin donc on a une démarche modifiée"
Bon j'exagère un peu, tout était dit avec un vocabulaire un peu plus recherché. Et finalement, plus je regarde la photo, plus je vois une ressemblance avec moi...

On a commencé notre AFGSU, enfin je ne maitrise plus trop l'acronyme, mais c'est une histoire de diplôme de secourisme pour les professionnels de santé (badass hein ?).
Je trouve ça super intéressant, parce que c'est cool d'avoir la possibilité de se la jouer superwoman dans la rue quand on est face à un malaise (rêvez pas, les accouchements inopinés sur fond de tornade c'est que dans grey's anatomy) ou de se la jouer superwoman quand ses idiots d'amis s'étouffent avec des cacahuètes. Ces gestes qui sauvent devraient etre enseignés plus et au plus grand public, en plus les gens qui nous font les formations sont vachements sympas et font des blagues grivoises, autant vous dire que je me sentais à ma place.
Pendant ces 2 jours de formation, on a pu voir la conduite à tenir face à une scène d'accident, comment appeler les secours, l’arrêt cardiaque, les malaises...

Aussi, on avait des petites étiquettes avec notre nom sur nos t-shirt, comme les gens aux alcooliques anonymes. Les gens portaient donc un regard douteux sur mes copines de promo et moi quand nous sortions de formation. D'autant plus que Matilde a décrété qu'elle baptiserait ma fille à travers le ventre.

Plus tard, on a eu une intervention des laboratoires Weleda, vous savez les produits bios qui passent à la pub et tout et tout. Moi qui ne me lave qu'en roulant dans la boue, je ne suis pas très concernée.
On a parlé massage de périnée, oui, cette chose glamour qu'on a la possibilité de faire pour faciliter l'accouchement (et le passage du boulet de canon entre les douces et frêles cuisses des femmes). En vrai, c'est une pratique dont une sage-femme qui est très renseignée sur le sujet nous a parlé.
En massant cette zone qui va être mobilisée, pour ne pas dire traumatisée, par le passage de l'enfant à la naissance, la femme peut se préparer psychologiquement à pousser (en s'habituant aux stimulis dans cette zone) et préparer son corps qui va subir une grosse modification de volume. Si ça vous intéresse, voici quelques astuces, mais je pense qu'en parler aux femmes autour de nous ça peut limiter la casse, surtout dans ce monde où on ne s'imagine pas accoucher autrement que les 4 fers en l'air: cliquez sur ce lien (ce n'est point un virus mais le référentiel de massage)

Et à la fin de la journée, au vu de mon gros bidon et de leur perspicacité (ils ont bien compris que c'était un petit humain dans mon ventre et non un cubit de rosé), les laboratoires nous ont laissé à disposition beaucoup de produits, et surtout des produits en lien avec la maternité. Du coup, les copines de promo m'ont laissé prendre les huiles d'allaitement et de massage de périnée, parce que dans le lot de 26, il n'y a que moi qui allait être la plus susceptible de devoir se tâter le fondement dans les semaines à venir. J'étais toute guillerette de la réserve que ça me faisait pour ma bibiche ! (quand je dis bibiche, je parle de ma fille hein, pas de la zone de mon corps à laquelle l'huile de massage périnée est destinée)

Les filles de ma promo ont été des amours, comme elles le sont depuis le début de l'année et surtout depuis que je suis enceinte. Genre elles poussent les tables pour pas que je sois prise dans le coin du mur, mais j'aurais fièrement tenu jusqu'à 36SA dans la salle de classe

Après, il a fallu enchaîner sur 10 jours de révisions puis les partiels du second semestre. Le décompte avant mon congé mat était lancé, c'était temps que je m'y mette une dernière fois avant de pouvoir préparer le petit nid (si ce n'est pas dire le petit château) de mon bébé.

L'avantage de cette école, c'est qu'on est en vacances après tout le monde (et encore, moi je ne me coltine pas le stage d'été, parce qu'accoucher c'est déjà pédagogiquement avancé pour une étudiante sage-femme). Donc on a les BU pour nous toutes seules, ou presque, mais on peut se pointer à n'importe quelle heure de la journée on est quasi sûres de trouver une copine de promo. Le pire étant quand on est 6-7 étudiantes sages-femmes dans un rayon de quelques mètres: on va parler de périnée et autres choses ragoûtantes sans gène, comme on a pas d'étiquette avec notre filière d'études sur le front les gens de la BU ont du nous prendre pour des obsédés de la fesse !

L'inconvénient du gros ventre c'est qu'on te regarde comme un animal de foire à la BU que tu es éloignée de la table pour travailler

Le 8 juin c'était le jour des partiels, et les filles ont puisé toute l'inspiration fœtale que j'avais in utero, qui sait, peut-être que tout ce que j'ai appris ces dernières semaines est allé se stocker un peu dans son cerveau ? Toujours est-il que c'était l'animation du jour parce qu'elle a eu le hoquet et des pulsions de maître kung-fu toute la journée, les filles de ma promo ont enfin eu l'occasion de la sentir bouger pour la première fois !

On passera les épreuves et les 30 minutes de pause entre chaque où la discussion favorite était le pronostic de "est-ce qu'on va aller aux rattrapages ou pas ?", et on va direct se remémorer le soir, où on a décidé de se faire un fat restaurant de fin d'année avec la promo (quelques copines n'ont pas pu venir à cause des rattrapages ou des grèves, mais on a pensé à elles !).

On a opté pour la pizzeria, où ça dégoulinait de gras, à part pour une copine qui a du prendre une salade car elle faisait un don de plasma le lendemain et qu'elle ne voulait pas que sa poche de sang ressemble à un bloc de beurre (elle aurait dû manger gras pour nous venger du prof d'hémato qui nous a mis un sujet pourri sur les transfusions sanguines soit dit en passant).

On s'est dit au-revoir avec la promo, certaines ne me reverront qu'après la naissance de ma fille, donc elles ont touché une dernière fois mon ventre, et d'autres auront peut être la chance d’être de garde le jour de mon accouchement et de voir ses premiers instants sur terre !


Je quitte ma casquette d'élève sage-femme, je fais une pause de quelques semaines dans cet univers d'apprenties du plus beau métier du monde pour rentrer dans l'autre plus beau métier du monde: celui de maman.

J'ai du mal à me reconnaître tellement au fur et à mesure de cette année j'ai senti des changements dans ma tête (et sur la balance, d'ailleurs je vois plus mes pieds donc je ne suis plus loin de ne plus voir les chiffres). Je ne sais pas comment j'aurai vécu cette année si je n'étais pas en train de devenir mère, je pense que j'aurai été aussi indignée par les salles de naissances, mais que je n'aurai pas eu autant conscience de ce qui se passe dans le corps de mes patientes, de ce qu'elles peuvent ressentir. On vit toutes des grossesses, des accouchements, et des maternités différentes, c'est ce discours qui d'ailleurs ne fera pas de moi une sage-femme aigrie qui dit que sa patiente est douillette sous prétexte qu'elle a eu une grossesse sans soucis, mais il y a des similitudes dans les vécus du devenir mère, et c'est ce qui fait que je me retrouve en parallèle dans le clan des jeunes mères et des futures sages-femmes. Je suis donc convaincue que cela va changer mes études, les rendant plus difficile en matière d'organisation, mais plus faciles en matière de représentation, pouvant comprendre les envies d'artichaut irrépréssibles à 3h du matin ou la sensation de marcher avec une boule de bowling dans le petit bassin !

Je ne perds pas ma vocation, je ne perds pas ma motivation. Il y a juste eu des moments plus difficiles cette année, où avec ce bébé dans mon ventre j'étais plus fragile physiquement et psychologiquement. Des moments où je me suis demandée comment j'allais faire pour offrir une vie stable à ma fille alors que ni moi ni son papa n'étions capables de dire quand et où nous allions être en stage. J'ai même envisagé de pauser mes études. Et avec le soutien de mes professeurs, de ma promo, et cette perspective de pouvoir tout faire en un an et d'avoir un schéma clair de l'année et des stages qui m'attendent l'année prochaine, je suis reboostée, à bloc.

On me dit souvent sur Instagram que je suis très courageuse, on se demande comment je fais pour arriver à jumeler ma grossesse et mes études. À vrai dire, je ne sais même pas comment j'ai fait. J'ai pas compté les moments où j'étais dans les bras de mon chéri à me demander comment on allait assumer tout ça, cet ouragan, si petit et grand, si flippant et beau à la fois....
J'ai bien conscience qu'aller en cours avec une grosse bedaine c'est un niveau bien moins difficile que d'aller en stage en garde de 12h après avoir passé la nuit à consoler un bébé de 7 mois qui fait ses dents. Je ne sais pas ce que l'avenir me réserve en détail, mais je sais ce qu'il me réserve en gros: des moments horriblement difficiles où je me demanderai comment je ferai pour aller en garde le lendemain, mais surtout, des moments magnifiques avec ma fille qui me portera haut, toujours plus haut, et qui me fera sauter de joie quand je me dirai "J'y suis arrivée, malgré ma grossesse, malgré une petite fille, j'ai eu ce diplôme".

Comme je me suis dit dès le début de ma grossesse, je ne suis pas la première ni la dernière qui tombe enceinte pendant ses études. Bon, je suis pas sure qu'on l'apprenne toutes à la médecine préventive au moment où on s'y attend le moins, avec une jeune infirmière qui regarde le test en louchant et vous dit qu'il y a 2 barres, mais je pense que c'est pour toutes plus ou moins le plus gros changement d'une vie.
Mais plus le temps est passé pendant ma grossesse plus j'ai rencontré de jeunes femmes dans mon cas, qu'elles soient en économie, psychologie, ou même étudiantes sages-femmes ! Je me suis aperçue qu'il y avait quelque chose d'intense qui nous portait, c'était l'amour, l'amour intense et irrévocable qu'on porte à nos enfants (et qu'eux nous portent). Je me suis aperçue qu'on passait toutes par des moments de désespoir, et qu'il fallait continuer, qu'on serait plus jamais des étudiantes comme les autres qui vont tous les jeudis en soirée dans la rue de la soif de leur ville, qu'on aura toujours une idée derrière la tête concernant les horaires de la crèche ou le rendez-vous chez le pédiatre quand on nous demandera ce qu'on fait la semaine d'après. Mais je me suis aperçue qu'on pouvait être grave, grave fières de nous.

Je suis admirative de toutes ces histoires, de toutes ces mamans, de toutes ces étudiantes qui ont fait un pied de nez au cliché qu'on peut donner aux mamans qui ont l'incroyable idée d'avoir leur enfant avant leur diplôme, un pied de nez à tous ceux qui peuvent nous regarder de travers et dire "elle n'y arrivera pas".
Oh si qu'on y arrivera, parce qu'on est des femmes, avec des ressources incroyables, parce qu'on est mères mais pas que, parce qu'on a un double objectif, réussir notre vie pour réussir celle de nos enfants.



Et j'ai la chance d’être entourée, d'avoir un enfant de celui que j'aime de tout mon coeur, de celui qui me soutient depuis le début malgré ses études difficiles à lui aussi, de celui avec qui j'ai l'intention de gravir des montagnes pour porter notre fille au plus haut