Pour m'éviter les répétitions dans mes mails, voici les liens qui répondent à l'éternelle question du "COMMENT ON FAIT SAGEUUUH-FEMMEUUUH?"

jeudi 8 juin 2017

Le stage en salles de naissances que j'aurais du faire 6 mois plus tôt

Vous la connaissez cette petite angoisse qui quand tout va bien s'immisce dans votre tête pour vous rappeler qu'il y a un truc pas réglé ? L'angoisse de la deadline ?

Genre "Oh que c'est agréable de regarder à la suite 10 épisodes d'une série sur Netflix, en pyjama-cheveux-gras ! Ha mais oui, j'ai des partiels à réviser moi... Tant pis, l'épisode s'est enclenché, on verra au prochain". Et là, tu regardes ton épisode, en te sentant observée par ton tas de cours qui te fait culpabiliser.

Ma deadline à moi, c'était le retour en stage en salles de naissances. Pour vous dire, j'avais fini mon stage en avril 2016, et je ne devais y retourner qu'en janvier voire mars 2017... Mais à partir d'avril 2016, régulièrement, l'idée d'y retourner me faisait flipper grave.

Pourtant, j'y suis retournée, de gré ou de force, Salle 1 pour mettre au monde ma fille. C'est un assez bel évènement pour se réconcilier avec ce terrain de stage non ? Mes tongs de femme en travail à terme qui se dandine entre les contractions ont foulé le même sol que mes crocs qui puent de stagiaire, sans pour autant en effacer les mauvais souvenirs.

J'ai su à la rentrée que j'y retournerai en janvier, et qu'en attendant, je n'aurais qu'à aller en période de cours. Quand les copines étaient en stage, je pouvais donc rester à la maison, en mode congé-maternité (sauf que quand ta gosse dort ni nuit ni jour, tes copines qui font des gardes de 12h en jour puis nuit sont au final plus reposées que toi, et quand on te dit "t'as de la chance de pouvoir rester à la maison" t'as envie de leur coller ton enfant de satan dans les bras).
Ainsi comme une andouille, au lieu de profiter de ces moments à la maison avec ma fille, j'étais prostrée avec mes yeux de panda sur mon calendrier qui me rappelait l'échéance du stage en salles de naissances. Ce calendrier où au lieu de voir tous les moments où je n'aurais pas de stage, je voyais seulement les 12 gardes qui s'annonçaient, dont la dernière serait 3 jours avant les partiels (oui, parce qu'on m'a collé mon stage au MEILLEUR moment de l'année, quand il fait froid, que la joie de Noël retombe genre les décors de Noël te rendent triste, et qu'il va falloir RÉVISER).

Et au 1er janvier, quand je me suis réveillée de mon réveillon de dingue (en vrai, je me suis couchée à 00H10 parce que j'en connaissais une qui allait pas attendre son biberon au delà de 7h), j'étais dans un autre état d'esprit. Le même état d'esprit que j'avais le matin même des épreuves importantes de ma vie: pour le bac, pour la paces (pas pour le permis, le permis je me faisais littéralement caca dessus, en même temps il m'a fallu 3 fois pour l'avoir), pour quand j'ai appris ma grossesse. 
L'état d'esprit du: FOUTU POUR FOUTU.

Toute façon, ma chère Audrey, t'as pas d'autre choix que de retourner là bas, parce qu'il faut que tu le valides ton stage. Tu vas pas rester en deuxième année toute ta vie. Et puis t'es moman maintenant, alors t'arrêtes de te plaindre, tu te remets en question, tu te sors les doigts du fondement et tu vas en stage (après avoir lavé les doigts que tu viens de te sortir du fondement par contre, merci).

Je crois que j'ai pris ma garde à 7H le 4 janvier. Franchement, j'étais pas déprimée, j'étais juste en mode le-stress-du-premier-jour-de-stage-putain-j'ai-oublié-le-code-du-vestiaire-j'espère-que-ça-va-pas-être-une-garde-trop-chargée-où-je-vais-gêner-la-sage-femme. D'ailleurs, j'espérais tomber sur une sage-femme sympa.

Coup de bol, je suis pas tombée sur une sage-femme sympa, mais sur une sage-femme incroyablement adorable qui m'a mise à l'aise, qui en ce premier jour ne m'a pas mis de pression, m'a laissé le temps de redécouvrir le service. Il s'avère que cette sage-femme était celle qui avait fait ma sortie à la maternité après mon accouchement, mais je l'ai pas clamé sur tous les toits en mode "BAH LA DAME QUI M'ENCADRE ELLE A VU LE DEDANS DE MA CULOTTEUH" (je sais que je ne fais jamais ni dans la pudeur ni dans la délicatesse, mais tout de même un peu de retenue jeune stagiaire).
Au final, elle m'a reconnue plus tard dans la journée. Et ça s'est su doucement parmi les sages-femmes qui étaient en garde que "Oh la petite étudiante c'est une jeune maman !".

Je ne savais pas comment j'allais me positionner par rapport à ce sujet avant d'aller en stage, parce que pour rappel, quand j'étais enceinte sur ce même terrain de stage je m'étais pris des réflexions du type "autant-arrêter-tes-études-tout-de-suite-la-pilule-ça-existe-tu-sais". Oui oui, si j'avais pas envie d'y retourner c'était pas par flemme (même si quand tu fais sage-femme, c'est pas que t'es flemmarde parce que se lever à 6h pour 12h debout à courir dans un service c'est musclé).
Et c'est venu naturellement. Elles ont su que j'étais maman, sans que j'ai à le préciser à chaque fois. Sans réflexion, avec des encouragements.

Doucement, au fil des jours, j'ai pris confiance en moi. Et je pense que j'ai pris de la maturité (même si je vous l'accorde mon humour beauf frôle toujours le 4 ans d'âge mental).
J'ai appris des choses évidentes mais qui sur le coup de stress du matin peuvent parfois passer à la trappe, comme par exemple se présenter en début de garde à toutes les sages-femmes, mais également les auxiliaires de puériculture... Elles en voient défiler des étudiantes, elles en voient défiler du boulet et rien que de leur dire bonjour ça nous déboulétise. Au lieu de paniquer en situation plus urgente, comme par exemple quand il faut la ventouse, j'ai très vite demandé à apprendre à la servir, tout comme apprendre à servir le matériel pour la suture, pour la césarienne.

J'ai appris des tas de choses, la base du métier en salles, chose que je n'avais pas pu bien faire lors de mon précédent stage, parce que
1)    C'était un stage d'observation (vous savez, le stage où tu dois observer dans la pièce mais que tu te mets toujours au mauvais endroit dans la pièce)
2)    Je n'avais absolument aucune notion d'obstétrique à ce moment là, l'allaitement on était calées, mais parler de crevasses à une femme qui va accoucher ça lui sape juste le moral d'avance
3)    Quand tu es enceinte de 28 semaines, ton bébé commence à peser sur les ligaments et tu as vraiment une endurance moindre
4)    Et surtout: j'étais centrée sur moi. Enceinte, j'avais pas cette capacité à faire la part des choses entre ce que j'étais en train de vivre, entre ma vie personnelle, et ma vie professionnelle. Je pense que pour être une bonne sage-femme, je dois être disponible pour mes patientes, pas que physiquement, mais aussi mentalement. Et ça, c'est impossible si en arrière pensée j'ai toujours des choses personnelles.

Bien sur, je ne suis pas une déesse de la sage-femmerie, j'ai quand même su être un gros boulet:

=>  TOP 3 DES BOULETTERIES DU RETOUR EN STAGE <=

3. J'avais pas fait de prise de sang depuis plus d'un an. J'ai du en faire une, dans la pénombre absolue. J'ai fait un bleu ENORME à une patiente.  Heureusement, son bébé venait de naître, sinon elle m'aurait baffé (et je l'aurais bien mérité) ("non mais oh t'es élève sage-femme ou élève bouchère ?")

2. J'étais juste INCAPABLE de mettre la casaque stérile (vous savez, la magnifique cape bleue qu'on met au moment de l'accouchement pour éviter les projectiles de type bébé-liquide amniotique-placenta-toute autre fluide ragoûtant). J'essayais de faire bonne figure, mais j'étais comme une poule avec un couteau, en plus, première garde, première heure de stage, j'étais dans l'optique du "FAUT MONTRER QUE JE SUIS PAS NULLE". Raté, c'est l'auxiliaire puéricultrice qui est venue à ma rescousse, me couronnant d'un "Je vois bien que t'as les deux pieds dans le même sabot".
Du même genre, en 12 gardes j'ai pas été foutue de mettre mes gants stériles vite et du premier coup, je pense qu'il y a une loi qui fait que ton temps pour mettre tes gants est inversement proportionnel au temps que tu as devant toi pour gérer l'urgence.

1.    Celle-là, c'est sans doute la honte de ma vie d'étudiante. Si c'était compréhensible pour le grand public (en gros si ça ne faisait pas rire que les gens qui bossent dans la santé), je pourrais m'en servir d'anecdote de la honte si je passais dans un jeu télé. 
À cette garde, quand je suis arrivée à 7h, il y avait une étudiante infirmière qui venait en observation, qui n'avait jamais vu d'accouchement, j'avais brièvement discuté avec elle pour la mettre à l'aise. Un accouchement est arrivé juste après, encore une ventouse, pas mal de monde dans la salle, j'aide comme je peux, la pression remonte et je vois cette étudiante infirmière qui masse l'utérus de la dame (ça paraît bizarre dit comme ça, mais non on masse juste le ventre, enfin masser c'est un grand mot, on appuie très fort sur le ventre pour que l'utérus parfois capricieux arrête de saigner)
Elle avait un geste assuré, et super efficace, donc toute enthousiaste je lui dis "DIS DONC TU MASSES VACHEMENT BIEN ! C'est ton premier ?"
Elle lève la tête et moi je me décompose. Tu m'étonnes qu'elle massait vachement bien. 
C'EST PARCE QUE C'ÉTAIT PAS L'ÉTUDIANTE INFIRMIÈRE MAIS LA MÉDECIN CHEF DE CLINIQUE. Que j'ai tutoyé. Et heureusement, elle a rigolé, parce que sinon, j'aurais été prendre des forceps pour creuser un trou et m'enterrer sous ma honte.

..> FIN DU TOP 3 <..



Donc en gros, devenir maman ne m'a pas empêché de faire des boulettes.
Devenir maman ça m'a permis de me sentir moins gauche dans les salles de naissances, moins impuissante face à la douleur de mes patientes, ça m'a permis de savoir un peu plus quand parler et quand toucher la patiente (en gros, pendant une contraction: ON SE LA FERME). Ca m'a permis de rire avec elles du shoot qu'est la péridurale, de comprendre certaines de leur réaction. Ca m'a valu de l'émotion quand je suis retournée dans la salle qui a vu naitre ma fille. Ca m'a fait me sentir plus inclue dans l'équipe.
Ca m'a donné certainement assez confiance en moi et assez de maturité pour savoir me remettre en question, de me dire que c'est LA journée où la patiente est vachement plus importante que mes ressentis intérieurs (même si vous inquiétez pas, à 16H30 sans avoir mangé depuis 6h du mat mon estomac est là pour me rappeler mon ressenti intérieur).

Mais ça, je pense que c'est un phénomène par lequel toute étudiante sage-femme passe pendant sa formation, il y a un moment où on murit, où au lieu d'accepter d'être le boulet du coin de la salle on se bouge et on fait tout pour valider comme il se doit son stage. Après, si je n'avais pas eu ma fille, j'ignore si j'aurais ressenti ce changement si tôt.

2 commentaires:

  1. Salut Audrey! Je viens de découvrir ton blog et j'adore ton humour! Je voulais juste te dire chapeau bas, car étant maman moi-meme, je ne crois pas que j'aurais pu gérer des études, et surtout pas sage-femme, étant enceinte! Bravo et félicitations pour ta fille! Je te souhaite tout le meilleur pour la suite! :)

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  2. Merci beaucoup à toi !! Bonne continuation :)

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